Article publié le 17/08/2013
Discours cérémonie du 15 Août
Nous sommes aujourd’hui réunis pour célébrer le 69ème anniversaire du débarquement de Provence. Cette opération militaire constitue l’une des pages illustres de l’histoire de notre pays. Cet évènement est gravé à jamais dans la mémoire collective de notre nation.
A l’aube du 15 août 1944, sur la ligne d’horizon de cette baie magnifique qui vous fait face aujourd’hui, la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne et le Canada déployèrent pour libérer l’Europe, une formidable, une invincible armada.
Il s’agissait de la plus grande flotte militaire qui n’ait jamais vogué sur la mer Méditerranée.
L’opération de débarquement qui avait pour nom de Code « DRAGOON », est d’abord la somme d’un gigantesque effort humain. 6 cuirassés, 4 porte-avions, 21 croiseurs, une centaine de destroyers, en tout 880 bateaux dont 500 pour le seul transport des troupes.
A cela, à ces tonnes d’acier, de fer et de feu, il faut ajouter 40 000 hommes, des centaines d’avions de chasse et des dizaines de bombardiers et d’avions de transport, 5000 parachutistes en tout dont les britanniques de l’Airbone Brigade du Général Pritchard, des milliers de Français aussi et, bien sûr, parmi eux, les commandos d’Afrique du lieutenant-colonel Bouvet. qui prennent de haute lutte le cap Nègre dans la nuit du 14 au 15 août.
Hier soir, et comme chaque année depuis 68 ans, une veillée commémorative a été organisée à leur mémoire à la nécropole du Rayol-Canadel, en présence de toutes les grandes personnalités politiques varoises et des représentants de l’Etat.
Cette poignée de soldats français, de ces troupes spéciales des commandos d’Afrique ont été les premiers à ouvrir par la voie du sud, le chemin de la libération de la France et de l’Europe.
A l’aube du 15 août 1944, sur cette baie, face à vous, les armées alliées ont donc rassemblé le meilleur de leur jeunesse, le meilleur de leur technologie, le meilleur de leur armement.
Avec Pearl Harbour, avec la Bataille d’Okinawa dans l’océan Pacifique, avec le débarquement de Normandie, avec la prise de Berlin ou le siège de Stalingrad, le débarquement de Provence est une de ces grandes batailles de la seconde guerre mondiale qui ponctuent la marche en avant contre la barbarie, contre la folie totalitaire, contre les crimes et les génocides.
Les plages de Cavalaire-sur-Mer ont été le théâtre de ces tous ces moments tragiques de ce conflit militaire absolument hors norme.
A l’aube du 15 août 1944, à vos pieds, juste où nous nous trouvons, se dressaient des centaines et des centaines de mètres de fils barbelés, des murs de bétons, des ouvrages d’acier des blockhaus.
La plage était aussi parsemée des fameuses pyramides de béton censées freiner la progression des troupes d’infanterie de marine.
A l’aube du 15 août 1944, sur cette baie, il faut imaginer là, juste sur votre droite, à moins de 100 mètres l’Hôtel des Bains. Le Maréchal Rommel venait juste d’y passer quelques jours. Il était présent à Cavalaire pour une tournée d’inspection des défenses allemandes en Méditerranée, comme il l’avait fait quelques semaines auparavant pour le mur de l’Atlantique.
L’hôtel des Bains était le siège de l’état major de la 242ème division d’infanterie de la Wehrmacht. Ses soldats avaient fait la campagne de France à l’été 1940 Ils avaient participé à l’opération Barbarossa d’invasion de la Russie. Ils avaient fait la campagne d’Italie.
C’étaient des soldats courageux, des soldats usés aussi par la guerre, mais bien plus expérimentés et bien plus aguerris que nos jeunes américains, nos jeunes anglais, nos jeunes français.
A l’aube du 15 août 1944, qu’ils arrivent par la voie de la mer, ou qu’ils attendent leur vainqueur, l’arme au pied, enterrés dans leur blockhaus, tous - soldats allemands et alliés - ont peur. Tous sont vivants.
Incapable de dire quel sera à la fin de cette journée, leur destin personnel.
Au soir du 15 août, certains sont encore vivants.
Au soir du 15 août, d’autres sont morts.
Sur cette plage, au soir du 15 août, à l’endroit où vous vous trouvez, là même où nos estivants goutent en ce moment les plaisirs de l’été, de la liberté et des loisirs, sur cette plage, le sang a teinté de rouge l’or du sable. Le sang a coloré de rouge le bleu des flots.
En quelques heures de combat, des centaines de soldats, du Cap Nègre à Pampelonne, de Saint-Tropez à Cavalaire, trouvèrent ici la mort.
Ces soldats qu’ils appartiennent à la 3ème division d’Infanterie américaine, à la 1ère DFL française ou aux commandos d’Afrique, sont tombés pour vous, sont tombés pour nous et pour nos enfants, au champ d’honneur.
On ne dira jamais assez le poids et le sens de ce sacrifice. On ne dira jamais assez à quel point, ce deuxième débarquement sur les plages de France, fut utile et décisif pour la Victoire finale et la prise de Berlin.
Oui, nos soldats pleurèrent en marchant pour la première fois sur cette plage. Oui, certains s’effondrèrent en foulant le sol de France après cinq années d’exil. Oui, à défaut de mourir sur cette plage, certains, heureux d’être vivants, heureux de voir ou de revoir leur mère patrie, embrassèrent la terre de Cavalaire.
Cette victoire était tout cela à la fois du sang, des larmes, du courage et de la joie pour gagner au prix de la mort, ces quelques mètres de sable, cette parcelle du sol de la France qui se trouvent face à vous.
Mais le plus important dans cette victoire était peut être, ailleurs aussi.
Les états majors alliés, le maréchal de Lattre de Tassigny, le Général Américain Patch savaient précisément l’importance stratégique de cette opération. Elle accéléra le cours de la guerre. Elle obligea l’adversaire à multiplier par deux, ses sacrifices et son effort de défense. Elle permit enfin, qu’ailleurs soient sauvées des milliers de vies humaines. Elle contribua décisivement à la chute du 3ème Reich.
Les allemands défaits sur le front russe, résistaient encore farouchement en Normandie, quand eut lieu le débarquement de Provence. Avec ce débarquement, le régime nazi compte désormais ses jours.
Alors si Caen, si Lisieux, si le Havre furent détruites par bombardements, comme le furent Toulon, Avignon, Marseille, et plus près de nous, Saint Tropez, le prix de tous ces sacrifices était à la hauteur de l’objectif final : Libérer la France, libérer l’Europe, libérer le monde.
En Provence, les Cavalairois furent parmi les premiers à être libérés. A sa manière, Cavalaire ce jour là, petit port qui était loin d’être encore la station balnéaire d’aujourd’hui, Cavalaire, oui, rentrait dans l’histoire.
Dans la mémoire de tous les Cavalairois, cette épisode est gravé à jamais. Tous les enfants de Cavalaire ont entendu qui un père, qui un oncle, qui un voisin, un ami raconter cette terrible journée du 15 août 1944. La mer couverte d’acier à perte de vue. Tous les habitants partis se réfugier dans les hauteurs et dans les sous bois. Les raids ariens. Les sifflements assourdissants des obus d’artillerie lourde de marine. Les explosions, les balles perdues, les tirs de mitrailleuses, de canons légers.
Puis vint la fin des combats, un peu avant midi. Puis ce fût le retour des familles en ville. La rencontre avec les soldats américains. Partout le spectacle terrible de la guerre. Les maisons et les routes éventrées. Les carcasses de blindés, de canons, des casemates sur les murs desquels, se lisaient la fureur acharnée des combats.
Enfin, les morts gisant au sol. L’odeur de la guerre. L’odeur de la mort mêlée à la joie, à la joie intense de la libération.
Quelques-uns de ces soldats qui vécurent ces heures terribles, sont parmi nous aujourd’hui. Deux d’entre eux vont déposer dans un instant, une gerbe de souvenir au pied du monument construit en mémoire de ce débarquement.
Je veux leur dire un mot.
Oui, vos frères tombés ici ou ailleurs sur les théâtres d’opérations en Italie, en France en Allemagne, ne sont pas morts en vain.
Oui, qu’ils soient, français de métropole, ou originaires de nos colonies de l’ex-empire français,
Oui, vos frères, qu’ils soient britanniques, canadiens, américains ou français ont ouvert la voie à une Europe nouvelle, désormais libre, une Europe plus grande aussi, plus forte, plus fraternelle.
Cette Europe là, vit en paix depuis maintenant 68 ans. Jamais notre continent n’aura connu une période aussi si longue de progrès, de prospérité et de bonheur.
Derrière votre victoire du 15 août 1944 se cache une autre victoire. Bien plus belle. Bien plus grande.
C’est celle de la paix entre les peuples,
C’est celle des enfants qui grandissent dans la joie,
C’est celles des Nations qui après la haine, finissent par s’aimer.
Alors, votre sacrifice et celui de vos frères d’armes morts au combat, n’est pas autre chose qu’un don. Un don incroyable. Un acte de générosité sans égal.
Il est d’avoir risqué votre vie, celui d’avoir au prix de la vie, sauver un monde pour que nous et pour que nos enfants, vivions aujourd’hui heureux.
Je dis cela en tant que fille, en tant que petite fille de Cavalairois qui ont vécu cette épisode tragique et en même temps merveilleux de la libération de notre pays et de notre commune.
Je dis tout cela en tant que maire de Cavalaire-sur-Mer, au nom des élus et des représentants de l’Etat, de nos concitoyens ici présents.
Nous avons tous vis-à-vis de vous, une dette éternelle.
Voilà mon message
Voilà ce que je voulais vous dire, à vous, soldats de la France.
Chers Cavalairois, chers compatriotes,
Vive la République ,
Vive la France et vive Cavalaire-sur-Mer.
Annick Napoléon
Maire de Cavalaire-sur-Mer
Conseillère régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur