









A l’aube de la matinée du 15 août 1944, le golfe de Saint Tropez et la Baie de Cavalaire sur Mer vont être le théâtre d’une des opérations militaires les plus ambitieuses et les plus meurtrières de la seconde guerre mondiale. Alors que les troupes alliées se battent encore contre les puissances de l’Axe dans le Pacifique, en Italie, sur le front de l’est et en Normandie, les Etats Unis lancent l’opération DRAGOON de débarquement sur les côtes de Provence. Entre la nuit du 14 août où les troupes françaises d’élite des Commandos d’Afrique accostent au Cap Nègre, et le 1er septembre, date à laquelle les troupes alliées vont commencer à remonter la vallée du Rhône, ce sont des forces colossales, à la fois humaines, physiques et morales, matérielles et techniques, qui vont se livrer un combat impitoyable. En tout et pour tout le débarquement de Provence verra au 15 août s’opposer 130 000 hommes, 550 chars, 1500 pièces d’artillerie lourde, plus de 2000 avions, 2300 navires dont 500 de guerre et des dizaines de sous marins. En quelques jours, de Cavalaire à Sanary, de Sainte Maxime à Marseille, le débarquement de Provence et sa libération, entrainera la mort, les souffrances par blessures et la disparition de 155 000 hommes. Pour mémoire et pour faire parler ce chiffre de 155 000 morts et blessés, il faut rappeler que la prise de Berlin causa la perte de 530 000 hommes ; le débarquement de Normandie, 400 000 hommes ; celui de Sicile, 55 000 ; que la bataille de l’ile de Guam enfin, dans le pacifique, couta la vie à 30 000 hommes. Le débarquement de Provence est donc un des haut-faits de la seconde guerre mondiale. Il est l’une des plus grandes batailles de l’Histoire militaire. Il faut savoir et avec la plus grande justesse, tout ce qui s’est passé ici, juste devant vous, sur ces quelques kilomètres de plages, le 15 août 1944. Là, comme sur le front de l’Est et en Normandie, s’est joué le sort du monde. Hier, sur ces plages, le fracas des armes, la mort et le sang versé furent nécessaires pour que triomphe une certaine idée de l’Homme. Aujourd’hui, nous sommes réunis pour commémorer l’Histoire. L’Histoire avec un grand H, l’histoire au singulier, celle que l’on lit dans les livres ; celle qui décrit d’abord les grands évènements et les grands hommes. Mais aujourd’hui, nous sommes réunis pour saluer aussi et surtout, LES histoires, ces histoires au pluriel, ces histoires personnelles, vécues au jour le jour, heure après heure, minute par minute, dans l’âpreté des combats, au risque de sa vie. Oui, c’est l’histoire de chacun de ces soldats qui a permis justement que l’Histoire - la Grande - puisse s’écrire. Le 15 août 1944, 50 000 soldats, Américains, Français, Anglais et Canadiens sont venus, de leurs seules volontés, affronter, 80 000 soldats allemands. A ces 50 000 soldats, je dis : « A vous, le sacrifice ! A nous, la liberté retrouvée ! » La mémoire que nous nous devons d’avoir pour chacune de ces histoires personnelles, nous oblige. Pour chacun de ces 50 000 soldats, cette journée du 15 août 1944 fut différente. 50 000 soldats et 50 000 façons de vivre, de survivre, de tuer, ou d’être tué. Il n’y a donc pas eu UN seul 15 août 1944, mais AUTANT de 15 août que de soldats qui ont vécu cette journée, qui ont participé à ces combats et qui se sont sacrifiés. Et c’est pour chacun d’entr’eux, pour chacun de ces soldats qui justement ont vécu cette journée, que nous devons nous incliner et rendre hommage. Je veux aussi avoir une pensée spéciale pour les soldats, hommes et femmes qui composaient les troupes françaises. A la différence du débarquement en Normandie, les troupes françaises engagées dans le combat, furent très nombreuses. Présentes dès le 14, elles étaient là, aux côtés des canadiens et des anglais, des 3ème, 36ème et 45ème divisions d’infanterie américaine, pour briser et forcer la résistance allemande. Avec la 7ème armée américaine, et à égalité cette fois en nombre d’effectifs militaires engagés, c’est l’armée B du général de Lattre de Tassigny qui va redonner à la France, et pour la première fois sur le sol national lui-même, l’honneur de reconquérir par les armes, sa souveraineté. Ce 15 août 1944 lave donc définitivement l’humiliation de la défaite de 1940 et l’injure de l’armistice signée à Rethondes. L’honneur retrouvé se paiera au prix cher, par milliers et milliers de morts. Sur les tombes des premiers soldats français des commandos d’Afrique tués au Cap Nègre, dans les cimetières militaires du Haut Var, le croissant musulman se mêle à la croix chrétienne ; le protestant est allongé aux côtés de l’athée ou du non croyant ; le jeune américain des faubourgs de New York côtoie pour l’éternité, l’enfant de Grenoble ou de Marseille. Tous sont morts unis dans une même foi. Non pas celle qui naît de la spiritualité et de toutes les formes que prennent les religions, mais celle, beaucoup plus terre à terre et en même temps d’une portée on ne peut plus élevée : le droit à la Liberté. Ces 155 000 morts et blessés ne sont pas morts pour rien. ILS NE SONT PAS MORTS POUR RIEN ! Et s’ils ont teinté de leur sang, ce sable qui nous est si cher, c’est parce que, unis dans cette même et unique Foi, ils ont cru, comme les Poètes, à des lendemains qui chantent ; ils ont cru en hommes libres qu’ils étaient, qu’un monde enfin libéré de la barbarie, pouvait à nouveau voir le jour. Personne ne doit, personne ne peut les oublier ! Ils étaient des milliers… Ils ne sont plus que quelques dizaines. Quelques uns de ces derniers combattants de la Liberté sont à nos côtés aujourd’hui. Je veux les saluer en votre nom à tous. A vous, qui avez survécu… A vos compagnons d’armes, morts sur ces plages, … je dis que vos rêves d’enfance, … que l’innocence de votre jeunesse, … et que vos espérances, … que vos existences n’ont pas disparues ce jour là, pour rien… Et c’est à ce prix que la victoire fût enfin possible. Vive Cavalaire sur Mer ! Vive la République ! Et vive la France !
Annick Napoléon
Maire de Cavalaire-sur-Mer
Conseillère Régionale Provence Alpes Côte d'Azur